« Même si n’importe quel bout de terre ici-bas appartient toujours à quelqu’un, la forêt reste la forêt : pas celle des hommes, celle des mythes ; celle des rêves et des peurs. On aura toujours peur au fond des bois à la nuit venue, quoi qu’on dise. »
Hans a neuf ans. Et sa vie va basculer deux fois en l’espace de soixante-douze heures : la première quand sa mère lui annonce que l’homme auprès de qui il a grandi n’est pas son père. La deuxième quand sa mère décide qu’il est temps pour lui de partir à la rencontre du vrai, de celui qui s'en est allé il y a dix ans, Alex, qui vit maintenant en pleine forêt, loin des hommes, à quelques centaines de kilomètres de là.
Par où commencer… Par l’histoire ? Sorte de récit initiatique qui m’a ramené à mes lectures de jeunesse, Twain, London et autre histoire de dernier mohican. Par l’écriture de Cyril Herry ? Envoûtante, intense, sombre et empreinte de poésie ? Par les idées véhiculées dans ce roman ? La quête d’un père, l’intolérance, la tendance, presque innée chez l’homme, de s’approprier une terre, l’hypocrisie, la calomnie, mais aussi l’amour et l’instinct de liberté… Le tout dans un décor qui peut faire écho en chacun de nous, la nature, la forêt avec son cortège d’images directement héritées de nos peurs et de nos désirs enfantins.
Je ne sais pas trop, sans doute tout ça à la fois.
Le fait est que je suis entrée dans ce roman comme on ouvre une porte sur quelque chose d’interdit. Quelque chose qui va faire peur, qui va bousculer et qui va engendrer des émotions confuses car on se trouve très rapidement dans le vif du sujet.
En tant que mère, j’ai pu éprouver les sentiments contradictoires de Teresa. Cette envie de foncer tête baissée dans la vie tout en protégeant son enfant de la réalité qu’il devra, de toute façon, affronter. Cette animalité, que je sens si souvent palpiter en moi, mi chienne/mi louve.
J’ai ressenti la frustration de l’enfant, Hans, qui avec sa nature directe, entêtée, mais si bouleversante, cherche ses racines, ce père qu’il n’a pas connu. Découvre les mensonges mi- complaisants, mi- protecteurs de sa mère et qui sera contraint de grandir très vite et brutalement.
Les autres personnages du roman sont tous très bien travaillés, puisqu’ils distillent en nous de la compassion, de la colère et tout un tas de sensations très contradictoires.
Et la nature, belle bien sûr, mais parfois hostile. Accueillante mais aussi inhospitalière et violente. Lieu de tous les fantasmes et de toutes les peurs.
Cyril Herry est peut-être un magicien pour réussir à faire émerger ce foutoir émotionnel qui vit en chacun de nous, ou beaucoup plus simplement un foutu bon écrivain.
Ce roman est un bijou. Il fait resurgir les fantômes que nous prenons tous un soin maniaque à planquer dans les armoires. C’est un roman qui se vit, qui fait réfléchir et qui serre le cœur... souvent.
Beau, tout simplement.
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