Éditions Albin Michel
Le corps enfoui d’une enfant, découvert dans la steppe par des nomades mongols, réveille chez le commissaire Yeruldelgger le cauchemar de l’assassinat jamais élucidé de sa propre fille. Peu à peu, ce qui pourrait lier ces deux crimes avec d’autres plus atroces encore, va le forcer à affronter la terrible vérité. Il n’y a pas que les tombes qui soient sauvages en Mongolie. Pour certains hommes, le trafic des précieuses « terres rares » vaut largement le prix de plusieurs vies. Innocentes ou pas.
Me revoilà à la découverte des grands espaces. Cette fois-ci il s’agit de la Mongolie, pays en plein boum économique mais devant faire face à l’omniprésence économique de la Chine et de la Corée ainsi qu’à de nombreuses années de domination chinoise et soviétique. Pays coincé entre le modernisme le plus échevelé et des traditions ancestrales encore très présentes.
La Mongolie grande comme environ 2,5 fois la France mais dont la population atteint à peine 2,8 millions d’habitants - pour donner un ordre d’idée cela fait 2 habitants au km2, à titre de comparaison en France c’est 112 habitants au km2…mais passons ces leçons de géographie.
Ce pays dont la capitale Oulan-Bator oscille entre des buildings immenses et des bidonvilles de yourtes à ses abords. Une capitale ou les nouveaux riches construisent des empires financiers démentiels pendant que les plus pauvres vivent dans une précarité effroyable. Une capitale qui subit un exode rurale massif et sans précédent. Un pays ou une partie du peuple, encore nomade, vit dans les steppes immenses, au rythme des saisons, gardiens de troupeaux et garants des rites séculaires.
Avec ce roman tous les clichés du polar urbain volent en éclats, il faut accepter le dépaysement (total) et se tenir à l’écoute des mots et des images qu’ils véhiculent.
C’est un polar plutôt violent. Violent par les crimes qui sont perpétrés dans le récit et violent par l’environnement sauvage dans lequel les protagonistes évoluent. L’intrigue est relativement classique quoiqu’assez dense et complexe. Tout ici est sujet à étonnement et on comprend la difficulté pour un enquêteur de mener à bien son travail dans ce pays immense, pétrit de croyances millénaires et devant faire face à des enjeux économiques et politiques qui sont eux bien modernes et réels.
On se rendra d’ailleurs bien compte, qu’ici comme ailleurs, c’est bien la corruption et l’appât du gain qui font force de loi (pourquoi en serait-il autrement en fait…) et dans ce pays ou toute cette modernité arrive à la vitesse d’un cheval au galop, bousculant tout au passage, les dégâts chez les individus et dans la société sont grands. A ce propos il y a dans le roman une galerie de flics ripoux et de nazillons du cru pas piqué des vers.
Il y a aussi des moments qui font franchement sourire, comme lorsque cette famille de nomades – qui à découvert le corps de l’enfant dans la steppe – dit au commissaire qu’ils n’ont touchés à rien pour ne pas polluer la scène de crime, comme l’ordonne Horacio Caine, le flic dans le feuilleton Les Experts, série qu’ils suivent avec beaucoup d’intérêt dans leur yourte J
Tous les personnages ont une belle densité, le commissaire Yeruldelgger (c'est certes imprononçable mais quel exotisme) est d’ailleurs à lui seul une superbe trouvaille et j’espère bien le revoir dans d’autres enquêtes.
L’écriture de Ian Manook est vive et sans concessions, je n’ai pas ressenti de temps mort, mais il faut dire que le récit m’a happé dès les premières pages. J’ai particulièrement aimé les descriptions des paysages et des coutumes qui émaillent l’histoire, ce qui ne veut, en aucun cas, dire que l'intrigue est secondaire.
Il s’agit apparemment d’un premier roman… et bien c’est un coup de maître. C'est fort, c'est beau, c'est bien écrit. J’ai été franchement emballée par ce livre et je vous le conseille vivement.
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